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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/306

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Il revoit le Paradis gardé par une active sentinelle, un Khéroub, dont la sanglante épée rougissait le ciel comme une aube de mort. Il voulait entrer, l’ange l’insultait : — Esclave, subis ton destin, courbe ta face ; ver de terre, rentre dans ton néant ; ta révolte inutile n’importe pas à Celui qui peut tout. Prie et prosterne-toi.

Mais Qaïn restait debout. Pour le punir, Iahvèh « le précipita dans le crime tendu », lui fit tuer son frère dans un accès de fureur.

Qaïn se vengera, et voici sa prophétie : — Quand Dieu voudra engloutir l’homme dans le gouffre des eaux, l’homme rira de cette colère, et Dieu le verra bientôt sortir de l’abîme. (Leconte de Lisle suppose donc que l’arche a été construite, non par ordre de Iahvèh, mais malgré lui.) L’homme pullulera de nouveau sur la terre, non plus indompté, mais servile, rampant, rusé, lâche, « emportant dans son cœur la fange du déluge », docile esclave du Dieu de la foudre, du Dieu des vents, du Dieu des armées. Un jour pourtant la victime se révoltera :


Tu lui diras : Adore ! Elle répondra : Non !


En vain pour retenir les hommes sous le joug, Dieu fera t-il ruisseler le sang et flamboyer les bûchers, le souffle de Qaïn animera les révoltés ; la voûte dérisoire des cieux s’effondrera ; qui y cherchera Dieu ne l’y trouvera pas,


Et les petits enfants des nations vengées
Ne sachant plus son nom riront dans leurs berceaux !


Le Vengeur se tut. Alors Thogorma vit le ciel s’illuminer d’éclairs, une pluie horrible tomber, la mer sortir hur-