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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/376

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le sol de la Grèce a été habité pour la première fois jusqu’à l’époque héroïque. Ce tableau des temps tout primitifs est fait par Khirôn qui en a été le témoin réfléchi. Le centaure personnifie, par conséquent, la conscience grecque, conscience qui s’est formée avec le cours des âges, et l’on ne s’étonnera pas si Leconte de Lisle nous montre que cette formation a consisté à se détacher des croyances religieuses.


D’abord Khirôn se rappelle la beauté de la terre sortant du déluge comme d’un bain qui l’a vivifiée, et, par la bouche de son héros, Leconte de Lisle chante, comme il l’a fait plusieurs fois, les magnificences de la nature vierge, non encore enlaidie et mutilée par la main humaine : alors les cieux étaient plus grands ; alors l’air subtil emplissait les poumons d’un souffle généreux.

C’est dans cette nature vigoureuse que Khirôn déploya les forces de sa jeunesse : rien ne bornait ses vœux ; du poitrail, il domptait les fleuves immortels dont l’onde flottait sur sa croupe fumante ; il étreignait l’univers entre ses bras nerveux ; l’horizon sans limites aiguillonnait sa course ; il errait, sauvage et libre, emplissant ses poumons du souffle des déserts ; l’orage de son cœur au cours tumultueux entraînait au hasard dans la durée et dans l’espace sa force inaltérée. Et pourtant, comme au sein des mers, tandis que le vent émeut les flots, l’empire de Nérée ignore la tourmente, tel il était calme, se sachant immortel.

On ne saurait avoir aucune espèce de doute sur l’ori-