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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/58

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du moi, il fallait mourir au monde extérieur, elle avait de grandes ressemblances avec plusieurs des écoles philosophiques issues du védisme. — Puis, après avoir vécu côte à côte avec le Brahmanisme pendant une dizaine de siècles, le Boudhisme a disparu peu à peu de son pays d’origine, en même temps qu’il conquérait le Thibet, la Chine, le Japon, le Siam, et l’Inde est redevenue brahmaniste. Elle l’est encore.

Ce qui caractérise le néo-brahmanisme, c’est-à-dire la religion qui est celle de l’Inde depuis le moyen-âge, c’est la Trinité fameuse : Brahma, Visnou, Civa. Toute l’Inde la confesse, mais de bouche seulement. Brahma est le dieu des théologiens. Le peuple sait tout juste son nom et ne lui rend aucun culte. Il ne connaît et n’adore que Visnou ou Civa, dieux d’origine populaire, ceux-là, et non créations de la pensée philosophique.

Civa est issu du féroce Rudra des Védas. Son nom signifie propice, et il est bien nommé : car si nous vivons, c’est qu’il ne nous a pas tués et nous devons à sa pitié chaque jour que nous ajoutons à notre existence. Sa légende n’importe guère à l’intelligence du poème que nous étudions. Puisque Leconte de Lisle l’a fait figurer dans un coin du ciel de Bhagavat, qu’il nous suffise de dire que le poète l’a bien décrit tel que se le représente l’imagination populaire : hideux, grinçant des dents, le ventre noir, le dos rouge, secouant les chapelets de crânes humains qui pendent à ses épaules.

Visnou, le Bhagavat de Leconte de Lisle, apparaît déjà dans les Védas, où l’on ne sait rien de lui, sauf qu’en trois