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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/67

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dieux védiques, l’ardent Archer penché sur ses cavales, l’Aurore aux doigts de rose ; puis le Géant sinistre qui porte des crânes chevelus en ceinture à ses hanches, le dévorateur de l’univers palpitant, dont le poète nous laisse deviner le nom : Çiva. Et de lui-même encore, étalant aux pieds de Bhagavat la terre entière, il nous y montre, pour préparer la question angoissée qu’il va mettre sur les lèvres de Brahma, toutes les formes de la souffrance : les tigres et les pythons chassant les gazelles, les races mortelles mêlant au rire les lamentations.

Quand Leconte de Lisle a mis Brahma vis-à-vis de l’Être-principe, il lui prête la claire conscience de l’identité du monde et du moi que l’auteur du Bhagavata-Purana prête si souvent à ses héros[1] : la concavité de son crâne se distend et contient l’espace ; les constellations jaillissent de ses yeux ; l’Océan croît dans son sein ; sagesse et passions, vertus et vices, haines et amours, maux et félicité, tout rugit dans son cœur ;


Il ne dit plus : Je suis ! mais il pense : Nous sommes !


Alors, pris de vertige, il ose interroger Bhagavat et hardiment il lui pose le problème de la souffrance : — Je ne puis concevoir, dit-il, le cours tumultueux des choses. Si rien n’existe, sinon toi, ô Dieu suprême, si rien n’a d’em-

  1. Voir, par exemple, liv. III, ch. XXIV, v. 46 : « Il (Kardama) vit, résidant au sein de tous les êtres, Bhagavat, qu’il reconnaissait comme son propre esprit et il vit tous les êtres au sein de son esprit qui était Bhagavat lui-même. »