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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/79

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vallée en colline, de fleuve en forêt ; il le fait asseoir au pied d’un pippala ; il le fait pénétrer dans un bois « redoutable », d’où il ne bannit les serpents et les grenouilles que pour donner un rôle plus important aux chacals et aux chouettes, animaux qui ont plus de caractère, comme disaient les romantiques :


Dans le bois redoutable, ou sous l’aride nue,
Les chacals discordants saluaient ma venue,
Et la plainte arrachée à mon cœur soucieux
Éveillait la chouette aux cris injurieux.


S’il a conservé avec un soin jaloux tous les éléments pittoresques de l’histoire de Narada, si même il les a développés, Leconte de Lisle a modifié assez profondément les sentiments du héros. Chez lui, Narada ne se félicite plus comme d’un bonheur envoyé par l’Être suprême d’avoir, en perdant sa mère, rompu les liens qui l’attachaient aux choses d’ici-bas ; au contraire, il a une longue et profonde douleur ; quand après s’être plongé dans la méditation, il se décourage, ce n’est point de ne pas avoir vu encore l’Être-principe en face, c’est de n’avoir pu tarir la source de ses pleurs, et il demande à Bhagavat d’être enfin délivré de l’amer souvenir des tendresses maternelles.

Aux côtés de ce Narada, qu’il a pris dans le Bhagavata-Purana, mais à qui il a donné une physionomie plus humaine, Leconte de Lisle a placé un personnage dont le Bhagavata-Purana lui a fourni seulement le nom : Maitreya. Celui-ci, c’est un chagrin d’amour qui l’a poussé à la vie d’anachorète. Il était jeune, il jouait dans le vallon natal au bord des bleus étangs, quand il aperçut une vierge aux