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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/78

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creuses, une forêt immense, redoutable, effrayante, habitée par des serpents, des chacals, des grenouilles et des chouettes. Le corps épuisé de lassitude, dévoré par la faim et par la soif, après avoir bu et fait mes ablutions, je me baignai dans le courant d’une rivière et mes fatigues disparurent. Là, dans cette forêt solitaire, assis au pied d’un pippala, je dirigeai mon esprit sur cette âme résidante dans ma propre âme, ainsi que je l’avais entendu.


À mesure qu’il se plongeait dans sa méditation, Narada sentait l’Être divin descendre peu à peu en lui ; son cœur se brisait sous le poids excessif de la joie ; il était noyé dans un déluge de béatitude. Il finit cependant par tomber dans le trouble du découragement : car il reconnaissait que son regard ne pouvait découvrir Bhagavat.

Pendant qu’il s’épuisait en vains efforts, Bhagavat lui parla d’une voix douce et profonde : « Ami, lui dit-il, tu ne dois pas me voir dans cette vie ; car je suis insaisissable aux regards des Yogins (contemplateurs) imparfaits dont les fautes ne sont pas complètement effacées. La forme que je t’ai laissé voir un instant avait pour but de t’inspirer de l’amour pour moi ; celui qui m’aime, se purifiant peu à peu, se délivre des désirs qu’il a dans le cœur. » Et Bhagavat promit à son fidèle qu’un jour il irait prendre place au nombre de ses serviteurs[1].

Leconte de Lisle a conservé le personnage, il a conservé son histoire : il lui fait perdre sa mère, pendant la nuit, au moment où elle allait traire sa vache, de la morsure d’un serpent envoyé par Kala ; il le fait errer ensuite de

  1. Bhagavata-Purana, liv. I, ch. VI ; trad. Burnouf, t. I, p. 49-53.