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Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/130

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SIX ANS AUX MONTAGNES ROCHEUSES

de s’arrêter. À la vue de ces individus masqués paraissant brusquement devant eux, les conducteurs du train ne font d’ordinaire aucune résistance, bien sûrs que la moindre velléité de se défendre leur coûterait immédiatement la vie. Ils stoppent donc et reçoivent aussitôt l’ordre de détacher le fourgon dans lequel se trouve le coffre-fort, et de partir à toute vitesse vers un endroit absolument désert, situé à deux ou trois milles de là. Arrivés à ce point, les bandits font sauter le coffre-fort à la dynamite, en pillent le contenu, renvoient poliment le mécanicien à son train et s’échappent dans la montagne. Chose incroyable  ! pendant que tout ceci se passe, les voyageurs effrayés se blottissent dans leur coin et personne ne songe à repousser l’attaque par la force, et même si les bandits s’avisent de fouiller les voyageurs et de les dévaliser, ils sont à peu près sûrs de ne rencontrer aucune résistance. Cette quasi-certitude de n’être point inquiétés pousse les bandits aux plus folles témérités.

Les incendies étaient très rares, quoique toutes les maisons fussent en bois. Un de ces incendies eut un épilogue inattendu. Un soir d’été, j’appris qu’à la suite d’un feu de forêt, les bâtiments extérieurs d’une ferme commençaient à brûler. Je lis immédiatement atteler et me rendis sur le lieu du sinistre. Le feu faisait rage dans la forêt, et malgré tous nos efforts la ferme serait devenue la proie des flammes, si tout à coup le vent n’avait changé de direction. Voyant le danger conjuré, je retournai tranquillement chez moi. Le lendemain à mon grand étonnement, je vois le fermier arriver devant ma maison avec une voiture chargée de légumes. «  Et pour qui tout cela  ? lui dis-je. — Pour vous, Monsieur le Curé. — Et combien me ferez-vous payer ce chargement  ? — Rien du tout, Monsieur le Curé  ; ce que je vous apporte,