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Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/131

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c’est pour vous remercier d’avoir sauvé ma maison hier. Comment cela  ? — Par un miracle  ! Aussitôt que vous etes arrive, vous avez fait tourner le vent qui poussait les flammes vers ma maison, et sauvé ainsi ma propriété.  » C’est en effet presque un article de foi parmi les Canadiens que le prêtre peut à volonté éteindre les incendies et guérir, par un simple attouchement, nombre d’infirmités.

Le grand événement de la journée était l’arrivée du courrier. On ne distribue pas les lettres à domicile  ; chacun va les chercher au bureau de poste. C’est une belle occasion pour tous les habitants d’apprendre ou de se communiquer les nouvelles. Tous les matins mon vieux domestique allait chercher le courrier, ou comme on dit là-bas «  la malle  » (mail). J’y allais quelquefois moi-même  ; un jour entre autres, après une interruption du service postal pendant dix jours à cause des neiges, je partis de chez moi avec un sac à farine vide, que je rapportai sur mon épaule plein de journaux, de revues et de lettres, à l’ébahissement de tous mes paroissiens. Je me souviens encore du jour où, revenant de la poste, mon vieux domestique me dit d’un ton tragique : «  Il n’y a plus de San-Francisco  !   » C’était en effet le lendemain du tremblement de terre qui, avec les incendies, avait détruit complètement cette grande ville. J’ai rencontré plus tard un certain nombre de personnes qui étaient à San-Francisco à ce moment, et c’est encore avec un frisson d’épouvante qu’elles nous parlaient de la terrible catastrophe.

La paroisse de Frenchtown étant une paroisse de blancs, il semble que je n’avais plus aucun contact avec nos chers Indiens  ; mais outre que plusieurs familles de la vallée avaient par les femmes du sang indien dans les veines, le voisinage immédiat de la Réserve des Têtes-Plates me donnait souvent occasion de revoir ces peuplades