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Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/158

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MONOGRAPHIES INDIENNES.

aux sauvages. Ces rations consistent spécialement en viande, farine ou quelque autre comestible. Après avoir reçu leurs rations, rentrés chez eux, ils consomment, en deux ou trois jours, tout ce qui devait durer une semaine entière  ; et ainsi ils sont réduits à un jeûne forcé de quatre ou cinq jours, et à se contenter pour ne pas mourir de faim d’une nourriture insuffisante et malsaine. Comme ils ne mettent rien à part pour les enfants et pour les malades, tous les membres de la famille doivent se soumettre à ce régime de disette et de privations.

Telle est la cause principale de la tuberculose qui atteint les enfants dès le sein de leur mère et qui les emporte après leur naissance, faute de lait et de nourriture suffisante. De là vient que les Indiens, autrefois vigoureux et robustes, sont maintenant d’un tempérament débile et sujets à toutes sortes de maladies.

Ayant visité, case par case, la tribu des Corbeaux, j’étais mieux que personne au courant de la situation. Un jour, dans une visite à l’Agent qui était général des troupes américaines, sa femme me demanda si je croyais que les Indiens aimassent le général. La question était délicate et je répondis, à la mode indienne, que les sauvages mesurent leur amitié sur les dons qu’on leur fait. Il faut savoir que les Corbeaux ayant reçu leur ration coupent la viande en longues lanières suspendues à des cordes dans leur tente. Tant que dure cette provision, ils aiment l’Agent  ; mais comme elle ne dure que trois jours, ils aiment le général trois jours et le détestent les quatre autres jours de la semaine. Il y a quelques années, les Pieds-Noirs que devait nourrir le gouvernement, mouraient de faim à cause de l’incapacité de l’Agent, qui depuis sept ans les opprimait. Les choses allèrent si loin que les autorités civiles