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Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/178

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Un chef nomme «  Court-Double  », homme de grande autorité dans toute la tribu, vint me voir et je lui dis : «  Court-Double, dites-moi un peu : pourquoi les Pieds-Noirs laissent-ils aux morts ce qui leur a appartenu  ? J’ai vu sur un cercueil d’enfant une petite charrette  ; les Pieds-Noirs croient-ils que l’âme de cet enfant s’en serve dans l’autre vie  ? Quand vous tuez le cheval d’un mort, est-ce pour qu’il s’en serve dans l’autre monde  ?   » — Court-Double répondit : «  Nous donnons aux morts les objets qu’ils possédaient pendant leur vie, parce qu’ils les aimaient. En voyant ces objets, nous nous souviendrions du mort et notre douleur serait continuellement ravivée. Pour ne pas renouveler ainsi notre douleur, nous mettons avec le mort tous ces objets et ainsi nous oublions tout. Nous tuons les chevaux que le mort aimait, parce qu’il les soignait et les nourrissait bien  ; si un autre les prenait, il pourrait les négliger et les laisser maigrir  ; voilà pourquoi nous les tuons.  »

Court-Double me narra ensuite l’histoire suivante : Le grand chef Seltis, après sa mort, était revenu à la vie. Il raconta comment après son dernier soupir il avait été transporté dans une plaine, traversée par un grand fleuve. Là il avait retrouvé tous ses proches et amis, morts depuis peu de la petite vérole : «  Ils occupaient, dit Seltis, un campement composé de tentes pareilles aux nôtres. En me voyant, tous me crièrent : « Retourne chez toi  ! retourne à la maison, qu’es-tu venu faire ici  ? » De l’autre côté du fleuve s’élevait une tente isolée  ; ils me dirent de traverser, que je trouverais là le chef qui me ferait reconduire chez moi. Je traversai, je vis le chef et le reconnus, car il était mort peu de temps auparavant. Il appela son fils et lui dit de m’amener un cheval pour que je puisse retourner chez moi. Le cheval était gris  ;