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Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/201

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à gauche, et courut sur moi. Je cherchai à l’esquiver, et tirant le cheval par la bride, je m’efforçai de me défendre par ses ruades contre l’animal ; et ainsi nous tournions depuis une demi-heure, quand l’ourse s’éloigna haletante et tomba morte après quelques pas. Le sang jaillissait des artères de mon bras et de ma poitrine. Avec mon fouet, je liai mon bras au poignet et avec le manche je serrai la corde en la tordant jusqu’à ce que le sang cessât de couler. Montant à cheval, je rejoignis les femmes qui furent épouvantées. J’étais tout couvert de sang et deux fragments d’os pendaient de ma main. Je dis à ma femme de couper la chair qui retenait les os brisés. Elle en coupa une partie, mais n’eut pas le courage de couper le reste. Alors prenant l’os entre mes dents, je coupai la chair avec mon couteau ; les deux os furent ainsi tranchés et le sang cessa de couler du poignet, mais il jaillissait encore de la poitrine. Les femmes me bandèrent avec des morceaux de mon habit et nous retournâmes à la maison. J’appelai aussitôt le prêtre : ce fut le P. Damiani qui vint ; je me confessai et reçus la communion. Mon frère appliqua sur mes blessures des plantes médicinales, et je guéris. Voyez comme ma main est déformée, l’index et le médium sont paralysés.

Je portais cette statuette de la Vierge suspendue à mon cou par un cordon que l’ourse qui avait déchiré tous mes habits, ne réussit pas à rompre. Ma ceinture et la bretelle de mon fusil furent déchirées, mais le cordon de la statuette resta intact et la très sainte Vierge me sauva. »

Tel fut le récit de François Monroe. J’ai demandé plus tard au P. Damiani s’il était vrai qu’il eût administré les sacrements à François Monroe après son combat avec l’ourse ; il me répondit affirmativement.