Aller au contenu

Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est pour les Blancs synonyme de voleur et de coquin. Leur droiture est citée avec éloge par les voyageurs américains et les colons du voisinage. Pour éprouver leur honnêteté, quelques Blancs confièrent la garde de leur maison à un jeune Cœur d’Alêne en y laissant des provisions, quelque monnaie d’or et d’argent, et du tabac. Quel ne fut pas leur étonnement quand à leur retour ils retrouvèrent tout en place ! Bien plus, si en parcourant leurs forêts, ils découvrent de l’argent ou quelque autre objet perdu par les voyageurs, ils n’ont point de repos qu’ils ne l’aient rendu au propriétaire, tant ils respectent le bien d’autrui !

Rapportons ici le témoignage d’un marchand américain. Comme il vantait devant un missionnaire la merveilleuse probité des Cœurs d’Alêne, le Père l’ayant taxé d’exagération, il reprit avec chaleur : « Non, Père, je n’exagère pas ; je vous affirme en toute sincérité que les Cœurs d’Alêne sont les meilleurs citoyens du pays ; pour moi, le bon citoyen est celui qui paie bien ses dettes ; or sous ce rapport, les Cœurs d’Alêne n’ont pas leurs pareils, même chez nos meilleurs Américains. Écoutez ce qui m’est arrivé dernièrement. Un Cœur d’Alêne était venu chez moi pour faire raccommoder sa charrue ; il me prévint tout d’abord qu’il ne pourrait me payer que dans un mois ; je consentis à ce délai. Et voici que le dernier jour du mois fixé pour le paiement, je le vois arriver avec un cheval qu’il voulait me laisser en gage parce qu’il n’avait pas d’argent. Admirant cette probité, je ne voulus pas accepter ; je lui dis de garder son cheval et de me payer quand il le pourrait. Croyez-vous, Père, que dans notre nation on trouverait la même probité ? Moi, je ne le crois pas, et je le répète : les Cœurs d’Alêne sont les meilleurs citoyens de ce pays.»