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Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/216

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III.

Douceur chrétienne des Cœurs d’Alêne.


La tribu des Cœurs d’Alêne, autrefois si féroce et maintenant consacrée au S. Cœur se distingue entre toutes par la douceur de ses mœurs et la ferveur de sa piété. En voici un exemple.

Un Indien de cette tribu avait commencé, aidé d’un autre, à construire un bac pour traverser le fleuve à un endroit déjà occupé par les Blancs : de là conflit. L’Indien, extraordinairement robuste et féroce, avait juré de ne faire aucune concession ; ni les menaces des Blancs, ni les sages conseils de son entourage ne réussissaient à l’émouvoir : il s’obstinait envers et contre tous à poursuivre son entreprise. Il ne restait qu’une ressource : c’était de l’amener à prendre l’avis du missionnaire, celui ci conseilla de céder, mais l’Indien ne voulut rien entendre, et comme le Père allait partir, il se présenta comme les autres pour lui serrer la main ; mais le Père refusa et lui dit que puisqu’il voulait en faire à sa tête, il n’avait qu’à s’en aller.

L’Indien, consterné, s’écria : « Robe Noire, pourquoi me traiter ainsi ? Ne sais-tu pas que c’est la punition la plus grave que tu puisses m’infliger ? — Si tu veux être de mes amis, répondit le Père, ne t’obstine pas dans ton projet criminel. Dussé-je perdre la vie, je ne céderai jamais. Refuserais-tu ce sacrifice à la Vierge très sainte ? Nous voici au mois de Marie : je te demande cela en son nom. Au nom de Marie, le sauvage pâlit et Tremblant de tous ses membres : « Robe Noire, dit-il, tu as vaincu, je ne refuserai pas ce sacrifice à Marie. » Et aussitôt il invita son compagnon à détruire le travail commencé, et comme celui ci hésitait : « Va, lui cria