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Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/218

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l’autre, ou avant de démolir la barque, je te casserai la tête »

Les exemples de vertus héroïques ne sont pas rares parmi ces sauvages ; sous l’influence de la religion et de la foi, leur naturel violent et passionné s’élève facilement jusqu’à l’héroïsme.

Une femme de la tribu des Cœurs d’Alêne, je ne sais pour quelle faute, se trouvait en prison, sur une sentence des chefs. Parmi ces Indiens, les châtiments rappellent leur férocité native. C’était en plein hiver (et les hivers de ces pays ne sont pas comparables aux nôtres !) ; le thermomètre était descendu à 40° au-dessous de zéro, température mortelle pour les hommes les plus robustes, si l’on s’expose à l’air sans abri et sans mouvement. La pauvre femme avait été abandonnée, pieds et mains liés dans sa prison, cabane formée de troncs d’arbres ; elle souffrait jour et nuit, sans protection contre ce froid terrible ; une fois par jour, si on ne l’oubliait pas, on lui donnait un peu de pain et quelques légumes. Le missionnaire, touché de compassion, intervint auprès du chef en faveur de la malheureuse ; il se rendit à la prison et trouva la femme gelée et presque mourante. Sa principale préoccupation était le salut de cette âme : mais quelles pouvaient être ses dispositions dans de pareils tourments ? Il parut bien vite que si elle était abandonnée des hommes, elle n’était pas abandonnée de Dieu. « Eh bien ! ma pauvre Marie, lui demanda-t-il, vous souffrez cruellement, n’est-ce pas ? » Malgré ses souffrances qui lui arrachaient des gémissements involontaires, elle ne perdit point son calme et répondit : « N’est-il pas vrai que pour mes péchés je devrais être en enfer ? Et ce que je souffre, qu’est-ce en comparaison des tourments de l’enfer ? — Sans doute, reprit le