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Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/68

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SIX ANS AUX MONTAGNES ROCHEUSES

une distribution de fruits et de sucreries, avidement attendus par tous les spectateurs. On n’avait jamais vu pareille fête à l’école Saint-André, et l’on en parla long-temps.

Pendant tout le mois de janvier 1903, je continuai à étudier la langue  ; j’avais traduit le catéchisme écrit en nez-percé par un ancien missionnaire  ; j’en avais appris quelques fragments par cœur, et ce furent ces fragments qui me fournirent mes premières prédications.

Je sortais très rarement et ne fis que deux ou trois excursions, dont une mérite d’être mentionnée. Nous avions parmi nos plus grands élèves un jeune garçon de seize à dix-sept ans, appelé Louis, et dont la mère pouvait être citée comme la femme la plus extravagante des États-Unis, ce qui n’est pas peu dire. Elle avait divorcé douze fois. À celui qui me conta le premier cette histoire, je dis : «  Voyons, il doit y avoir là une exagération  ! supposons qu’elle a divorcé sept ou huit fois, c’est déjà beau  !
— Non, me fut-il répondu, elle en est à son douzième divorce.  »

Cependant elle n était point restée sourde aux exhortations du P. Neate, curé de Pendleton, et sur les instances de ce bon prêtre, elle venait enfin de reprendre exclusivement son premier mari. C’était un Canadien, appelé en anglais Brown, mais dont le vrai nom, je suppose, était Lebrun. À ce moment, elle vivait avec lui à quelques milles de l’église, dans une ferme qui lui appartenait  ; car elle avait du sang indien dans les veines, et par conséquent pouvait posséder des propriétés en territoire indien.

Un jour l’envie me prit de faire une promenade, à cheval jusqu’à Pendleton  ; la distance est de 15 kilomètres  ; je partis avec le jeune homme dont je viens de parler, et lorsque nous arrivâmes, la première chose que