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Page:Victor Devogel - Légendes bruxelloises, 1903.pdf/200

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L'HOMME À LA VERGE ROUGE

et d’un long couteau de chasse. Un bonnet usé couvrait sa tête ; sa figure était d’une laideur fort grande.

Les chaudronniers crurent reconnaître en lui un de ces farouches prédicateurs protestants qui sillonnaient le pays et qui, avec tant de courage, portaient partout l’évangile de la foi nouvelle. Comme ils étaient bons catholiques, ils se signèrent en l’approchant et le saluèrent.

L’inconnu ne leur rendit pas leur salut. Ils se regardèrent et sourirent, cette fierté ne leur paraissant pas être de mise chez un homme d’apparence si peu respectable.

Comme ils étaient pesamment chargés et déjà harassés de fatigue, ils le prièrent de prendre sa part de leur fardeau. L’inconnu hésita, faisant mine de refuser ; puis, craignant sans doute que les chaudronniers ne lui fissent un mauvais parti, il se ravisa et accepta. Ensuite, il entra en propos :

— Sans doute, dit-il aux marchands, vous êtes de ces porteurs de libelles qui vendez aux bonnes gens des campagnes des écrits secrets contre Alvarez ?

Car vous saurez qu’en ce temps, bien que le duc d’Albe eût défendu la chose sous peine de mort, on importait d’Angleterre et d’Allemagne des pamphlets pour propager la Réforme et des brochures attaquant le gouverneur, que distribuaient ou ven-