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Page:Victor Devogel - Légendes bruxelloises, 1903.pdf/212

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LA RUE DES SIX-JEUNES-HOMMES

eux qu’en faisant crocheter leur porte, parce qu’on avait introduit du sable dans leur serrure.

Les enseignes des maisons avaient parfois l’air de danser des rondes échevelées : le matin, un médecin voyait avec stupéfaction son écusson remplacé par celui du bourreau ; l’emblème d’un cabaret se pavanait à l’entrée de la demeure d’une vieille douairière ; celui d’un épicier ornait la porte d’un huissier ou d’un juge ; celui d'un fabricant de cercueils se dressait au guichet d’un maréchal ferrant.

Le tocsin sonnait dans les églises ; on accourait : personne.

Des médecins étaient priés de se rendre à deux heures du matin chez des seigneurs bien portants qui les mettaient, tout furieux, à la porte.

Enfin, ce qui était plus grave, des officiers espagnols, montant à cheval pour aller exécuter un ordre urgent, avaient fait une chute qui les avaient cloués au lit pour huit jours : la sangle de leur selle avait été coupée.

C’étaient des tours singuliers qui choquaient les bons bourgeois paisibles et muets par crainte en cette époque de troubles ; c’étaient des amusements cocasses qui plongeaient les vieilles dévotes dans une indignation sans nom : témoin ce jour où l’eau bénite d’une des églises avait été remplacée par de