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Page:Victor Devogel - Légendes bruxelloises, 1903.pdf/225

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LÉGENDES BRUXELLOISES

elle-même, se redressait, écartait les jambes, les raccourcissait en soufflet d’accordéon, les allongeait, les rapprochait en faisant un grand bruit d’étoffe froissée, se retournait brusquement la ceinture en bas, s’aplatissait contre le sol, reprenait subitement sa forme en se détendant comme un ressort, sautait à califourchon sur le dossier d’un fauteuil, remontait au plafond, volant d’un mur à l’autre, de la fenêtre à la porte, du lit sur la table, d’une chaise au bahut, en mouvements rapides, saccadés, impossibles à suivre, infatigable, semant le plancher de débris de toute espèce, continuant sans trêve sa sarabande effrénée qui plongea le comédien dans une frayeur sans nom.

Combien de temps dura cette scène ? Nul ne pourra jamais le dire.

Le pauvre homme était allongé dans son lit, en proie à une terreur folle.

Il suivait de ses yeux hagards la course démoniaque de la culotte rouge qui, par ses mouvements brusques, finissait par lui laisser dans les yeux comme l’image d’un voile de sang.

— Saint Genest ! mon bon patron ! murmura-t-il à la fin, que vais-je devenir ?

À ces mots, comme si elle s’apercevait pour la première fois de sa présence, la culotte tomba sur le lit et les jambes se mirent à le souffleter avec violence.