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Page:Victor Devogel - Légendes bruxelloises, 1903.pdf/224

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LA RUE DU SAINT-ESPRIT

faisaient son orgueil, il avait déshonoré le vieux vêtement de son aïeul ! Défroque, peut-être. Mais défroque honnête, qu’il avait traînée sur les planches, sans honte, au contraire, avec joie. Et comme il comprenait le soupir de son grand-père fantôme, désabusé, attristé d’avoir appris que son vieil uniforme avait été exposé aux quolibets de la foule, en plein théâtre !

La chambre était replongée dans les ténèbres.

Le comédien songeait…

Il ne songea pas longtemps, car un bruit étrange lui fit lever la tête.

Il vit, au milieu de la pièce, la culotte suspendue en l’air comme par une main invisible et qui rayonnait comme si une lumière eût été allumée en elle. Et les jambes s’agitaient désespérément, toujours, toujours.

Puis soudain la culotte se mit à danser une ronde extravagante : elle sautait au plafond, retombait par terre, s’accrochait aux meubles, renversait les chaises, battait les murs, déchirait les rideaux du lit, cassait les carreaux, menait un train d’enfer, se cognait aux portes, se heurtait à la table, décrochait les tableaux, se trémoussait comme un démon en délire, brisait la glace, retombait encore, reprenait sa volée, décrivait des courbes bizarres, se contorsionnait en mouvements de pitre, se repliait sur