Aller au contenu

Page:Victor Devogel - Légendes bruxelloises, 1903.pdf/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
23
MANNEKEN-PIS

*
* *

Ce n’est pas toujours de l’eau que notre ami a projetée dans l’espace.

Jadis, les jours de grande fête, à l’occasion de l’entrée d’un souverain dans sa bonne ville de Bruxelles ou de tout autre événement important, Manneken-Pis, abandonnant son habitude quotidienne, lançait dans l’air de l’hydromel ou du vin, à la grande joie du populaire qui ouvrait des yeux ravis et une bouche plus ravie encore. Et c’était plaisir de voir le menu peuple se précipiter vers la source bénie, muni de pots, de bouteilles, de flacons, de pintes, de brocs, se bousculant, luttant, jouant des coudes, courant, chantant, criant : Noël ! Noël ! Les petits jubilaient, les grands riaient, tous s’amusaient ; et, dominant la foule, là-haut, sur son piédestal, calme dans cette tempête de gaieté et de bonheur, Manneken-Pis, souriant, versait à flots le liquide enchanteur.

Mais ces distributions ont cessé depuis longtemps. Nos grand’mères se souviennent à peine du jour passé — bien loin, celui-là, au beau temps de leur prime jeunesse — où le brave enfant a livré, pour la dernière fois, passage à la boisson divine. De l’eau, de l’eau toujours ; et en hiver, le petit bon-