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LÉGENDES BRUXELLOISES

homme, bravant tout nu les rigueurs de notre climat, voit l’eau se figer autour de lui en une nappe glacée, claire et ornementale qui, loin de nuire du reste à son prestige, ajoute un cachet pittoresque au monument qu’il habite.

Cependant, en 1890, des cœurs généreux ont tenté de régénérer le vieil usage. En plein été, lors de grandes fêtes qui eurent lieu à Bruxelles, Manneken-Pis modifia, deux fois en deux jours, sa séculaire coutume. La première fois, il nous offrit du vin ; la seconde, du lambic, la célèbre bière bruxelloise.

C’était, je vous assure, un charmant spectacle : des fleurs, des tentures ornaient sa niche ; des guirlandes se reflétaient dans des glaces posées aux deux côtés de sa demeure et formaient un ensemble chatoyant de couleurs étincelantes ; une vie nouvelle semblait animer notre héros, revêtu de son costume de gala, le tricorne en tête et l’épée au côté. Devant lui se trouvait une table sur laquelle étaient montés deux hommes recueillant le précieux liquide ; autour de la table, d’autres personnes le distribuaient.

Et de la foule compacte qui se pressait rue de l’Étuve, rue du Chêne et rue des Grands-Carmes, montaient les rires, les cris joyeux, les exclamations de bonheur des enfants et des grands.