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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/104

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Et, se montrant au jour avec un cri joyeux,
Au charme d’un beau ciel, craintive, ouvre les yeux ;
Puis, sur le pâle saule, avec lenteur voltige,
Interroge avec soin le bouton et la tige ;
Et, sûre du printemps, alors, et de l’amour,
Par des cris triomphants célèbre leur retour.
Elle chante sa joie aux rochers, aux campagnes,
Et, du fond des roseaux excitant ses compagnes :
« Venez ! dit-elle ; allons, paraissez, il est temps !
Car voici la chaleur, et voici le printemps. »
Ainsi, quand je te vois, ô modeste bergère !
Fouler de tes pieds nus la riante fougère,
J’appelle autour de moi les pâtres nonchalants,
A quitter le gazon, selon mes vœux, trop lents ;
Et crie, en te suivant dans ta course rebelle :
« Venez ! oh ! venez voir comme Glycère est belle ! »

MÉNALQUE.

Un jour, jour de Bacchus, loin des jeux égaré,
Seule je la surpris au fond du bois sacré :
Le soleil et les vents, dans ces bocages sombres,
Des feuilles sur ses traits faisaient flotter les ombres ;
Lascive, elle dormait sur le thyrse brisé ;
Une molle sueur, sur son front épuisé,
Brillait comme la perle en gouttes transparentes,
Et ses mains, autour d’elle, et sous le lin errantes,
Touchant la coupe vide, et son sein tour à tour,
Redemandaient encore et Bacchus et l’Amour.