Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/105

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BATHYLLE.

Je vous adjure ici, nymphes de la Sicile,
Dont les doigts, sous les fleurs, guident l’onde docile ;
Vous reçûtes ses dons, alors que sous nos bois,
Rougissante, elle vint pour la première fois.
Ses bras blancs soutenaient sur sa tête inclinée
L’amphore, œuvre divine aux fêtes destinée,
Qu’emplit la molle poire, et le raisin doré,
Et la pêche au duvet de pourpre coloré ;
Des pasteurs empressés l’attention jalouse
L’entourait, murmurant le nom sacré d’épouse ;
Mais en vain : nul regard ne flatta leur ardeur ;
Elle fut toute aux dieux et toute à la pudeur.

Ici, je vis rouler la coupe aux flancs d’argile ;
Le chêne ému tremblait, la flûte de Bathylle
Brilla d’un feu divin ; la dryade un moment,
Joyeuse, fit entendre un long frémissement,
Doux comme les échos dont la voix incertaine
Murmure la chanson d’une flûte lointaine.


Écrit en 1815.