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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/116

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Foule d’un pied volage une rose immobile,
Et suit l’insecte ailé qui fuit sa main débile.

Pourquoi Dolorida seule en ce grand palais,
Où l’on n’entend, ce soir, ni le pied des valets,
Ni, dans la galerie et les corridors tristes,
Les enfantines voix des vives caméristes ?

Trois heures cependant ont lentement sonné ;
La voix du temps est triste au cœur abandonné ;
Ses coups y réveillaient la douleur de l’absence,
Et la lampe luttait ; sa flamme sans puissance
Décroissait inégale, et semblait un mourant
Qui sur la vie encor jette un regard errant.
A ses yeux fatigués tout se montre plus sombre,
Le crucifix penché semble agiter son ombre ;
Un grand froid la saisit, mais les fortes douleurs
Ignorent les sanglots, les soupirs et les pleurs :
Elle reste immobile, et, sous un air paisible
Mord, d’une dent jalouse, une main insensible.

Que le silence est long ! Mais on entend des pas ;
La porte s’ouvre, il entre : elle ne tremble pas !