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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/117

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Elle ne tremble pas, à sa pâle figure
Qui de quelque malheur semble traîner l’augure ;
Elle voit sans effroi son jeune époux, si beau,
Marcher jusqu’à son lit comme on marche au tombeau.
Sous les plis du manteau se courbe sa faiblesse ;
Même sa longue épée est un poids qui le blesse.
Tombé sur ses genoux, il parle à demi-voix :
« — Je viens te dire adieu ; je me meurs, tu le vois,
Dolorida, je meurs ! une flamme inconnue,
Errante, est de mon sang jusqu’au cœur parvenue.
Mes pieds sont froids et lourds, mon œil est obscurci ;
Je suis tombé trois fois en revenant ici.
Mais je voulais te voir ; mais, quand l’ardente fièvre
Par des frissons brûlants a fait trembler ma lèvre,
J’ai dit : Je vais mourir ; que la fin de mes jours
Lui fasse au moins savoir qu’absent j’aimais toujours.
Alors je suis partis ne demandant qu’une heure
Et qu’un peu de soutien pour trouver ta demeure.
Je me sens plus vivant à genoux devant toi.

— Pourquoi mourir ici, quand vous viviez sans moi ?

— Ô cœur inexorable ! oui, tu fus offensée !
Mais écoute mon souffle, et sens ma main glacée ;
Viens toucher sur mon front cette froide sueur,