Aller au contenu

Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/135

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et d’un dernier effort l’esclave délirant
Au mur de la prison brise son bras mourant.
« Mon Dieu ! venez vous-même au secours de cette âme ! »
Dit le prêtre, animé d’une pieuse flamme.
Au fond d’un vase d’or, ses doigts saints ont cherché
Le pain mystérieux où Dieu même est caché :
Tout se prosterne alors en un morne silence.
La clarté d’un flambeau sur le lit se balance ;
Le chevet sur deux bras s’avance supporté,
Mais en vain : le captif était en liberté.

Resté seul au cachot, durant la nuit entière,
Le vieux religieux récita la prière ;
Auprès du lit funèbre il fut toujours assis.
Quelques larmes souvent, de ses yeux obscurcis,
Interrompant sa voix, tombaient sur le saint livre.
Et, lorsque la douleur l’empêchait de poursuivre,
Sa main jetait alors l’eau du rameau bénit
Sur celui qui du ciel peut-être était banni.
Et puis, sans se lasser, il reprenait encore,
De sa voix qui tremblait dans la prison sonore,
Le dernier chant de paix ; il disait : « Ô Seigneur !
Ne brisez pas mon âme avec votre fureur ;
Ne m’enveloppez pas dans la mort de l’impie. »
Il ajoutait aussi : « Quand le méchant m’épie,
Me ferez-vous tomber, Seigneur, entre ses mains ?