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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/195

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Vers le but inconnu sans cesse elle s’avance.
On la nomme PARIS, le pivot de la France.
Quand la vivante Roue hésite dans ses tours,
Tout hésite et s’étonne, et recule en son cours.
Les rayons effrayés disent au cercle : « Arrête. »
Il le dit à son tour aux cercles dont la crête
S’enchâsse dans la sienne et tourne sous sa loi.
L’un le redit à l’autre ; et l’impassible roi,
Paris, l’axe immortel, Paris, l’axe du monde,
Puise ses mouvements dans sa vigueur profonde,
Les communique à tous, les imprime à chacun,
Les impose de force, et n’en reçoit aucun.
Il se meut ; tout s’ébranle, et tournoie et circule ;
Le cœur du ressort bat, et pousse la bascule ;
L’aiguille tremble et court à grands pas ; le levier
Monte et baisse en sa ligne, et n’ose dévier.
Tous marchent leur chemin, et chacun d’eux écoute
Le pas régulateur qui leur creuse la route.
Il leur faut écouter et suivre ; il le faut bien :
Car lorsqu’il arriva, dans un temps plus ancien,
Qu’un rouage isola son mouvement diurne,
Dans le bruit du travail demeura taciturne,
Et, brisa, par orgueil, sa chaîne et son ressort,
Comme un bras que l’on coupe, il fut frappé de mort.
Car Paris l’éternel de leurs efforts se joue,
Et le moyeu divin tournerait sans la roue ;
Quand même tout voudrait revenir sur ses pas,
Seul il irait ; lui seul ne s’arrêterait pas,
Et tu verrais la force et l’union ravie