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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/196

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Aux rayons qui partaient de son centre de vie.
C’est donc bien, voyageur, une roue en effet.
Le vertige parfois est prophétique. Il fait
Qu’une fournaise ardente éblouit ta paupière ?
C’est la fournaise aussi que tu vois. — Sa lumière
Teint de rouge les bords du ciel noir et profond ;
C’est un feu sous un dôme obscur, large et sans fond ;
Là, dans les nuits d’hiver et d’été, quand les heures
Font du bruit en sonnant sur le toit des demeures,
Parce que l’homme y dort, là veillent des Esprits,
Grands ouvriers d’une œuvre et sans nom et sans prix.
La nuit, leur lampe brûle, et, le jour, elle fume ;
Le jour, elle a fumé, le soir, elle s’allume,
Et toujours et sans cesse alimente les feux
De la Fournaise d’or que nous voyons tous deux,
Et qui, se reflétant sur la sainte coupole,
Est du globe endormi la céleste auréole.
Chacun d’eux courbe un front pâle, il prie, il écrit,
Il désespère, il pleure ; il espère, il sourit ;
Il arrache son sein et ses cheveux, s’enfonce
Dans l’énigme sans fin dont Dieu sait la réponse,
Et dont l’humanité, demandant son décret,
Tous les mille ans rejette et cherche le secret.
Chacun d’eux pousse un cri d’amour vers une idée.
L’un [1] soutient en pleurant la croix dépossédée,
S’assied près du Sépulcre et seul, comme un banni,
Il se frappe en disant : Lamma Sabacthani ;

  1. M. l’abbé de Lamennais