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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/30

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La brebis égarée, ou le mauvais pasteur,
Ou le sépulcre blanc pareil à l’imposteur ;
Et, de là, poursuivant sa paisible conquête,
De la Chananéenne écoutait la requête,
À la fille sans guide enseignait ses chemins,
Puis aux petits enfants il imposait les mains.
L’aveugle-né voyait, sans pouvoir le comprendre,
Le lépreux et le sourd se toucher et s’entendre,
Et tous, lui consacrant des larmes pour adieu,
Ils quittaient le désert où l’on exilait Dieu.
Fils de l’homme et sujet aux maux de la naissance,
Il les commençait tous par le plus grand, l’absence,
Abandonnant sa ville et subissant l’Édit,
Pour accomplir en tout ce qu’on avait prédit.

Or, pendant ces temps-là, ses amis en Judée
Voyaient venir leur fin qu’il avait retardée :
Lazare, qu’il aimait et ne visitait plus,
Vint à mourir, ses jours étant tous révolus.
Mais l’amitié de Dieu n’est-elle pas la vie ?
Il partit dans la nuit ; sa marche était suivie
Par les deux jeunes sœurs du malade expiré,
Chez qui dans ses périls il s’était retiré.
C’étaient Marthe et Marie ; or Marie était celle
Qui versa les parfums et fit blâmer son zèle.