Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/31

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Tous s’affligeaient ; Jésus disait en vain : « Il dort. »
Et lui-même, en voyant le linceul et le mort,
Il pleura. — Larme sainte à l’amitié donnée,
Oh ! vous ne fûtes point aux vents abandonnée !
Des Séraphins penchés l’urne de diamant,
Invisible aux mortels, vous reçut mollement,
Et comme une merveille, au Ciel même étonnante,
Aux pieds de l’Éternel vous porta rayonnante.
De l’œil toujours ouvert un regard complaisant
Émut et fit briller l’ineffable présent ;
Et l’Esprit-Saint sur elle épanchant sa puissance,
Donna l’âme et la vie à la divine essence.
Comme l’encens qui brûle aux rayons du soleil
Se change en un feu pur, éclatant et vermeil,
On vit alors du sein de l’urne éblouissante
S’élever une forme et blanche et grandissante,
Une voix s’entendit qui disait : « Éloa ! »
Et l’Ange apparaissant répondit : « Me voilà. »

Toute parée, aux yeux du Ciel qui la contemple,
Elle marche vers Dieu comme une épouse au Temple ;
Son beau front est serein et pur comme un beau lis,
Et d’un voile d’azur il soulève les plis ;
Ses cheveux, partagés comme des gerbes blondes,
Dans les vapeurs de l’air perdent leurs molles ondes,