Aller au contenu

Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et soit lorsque Dieu même, appelant les esprits,
Dévoilait sa grandeur à leurs regards surpris,
Et montrait dans les cieux, foyer de la naissance,
Les profondeurs sans nom de sa triple puissance,
Soit quand les chérubins représentaient entre eux
Ou les actes du Christ ou ceux des bienheureux,
Et répétaient au Ciel chaque nouveau mystère
Qui, dans les mêmes temps, se passait sur la terre,
La crèche offerte aux yeux des mages étrangers,
La famille au désert, le salut des bergers,
Éloa, s’écartant de ce divin spectacle,
Loin de leur foule et loin du brillant tabernacle,
Cherchait quelque nuage où dans l’obscurité
Elle pourrait du moins rêver en liberté.
Les anges ont des nuits comme la nuit humaine.
Il est dans le Ciel même une pure fontaine ;
Une eau brillante y court sur un sable vermeil ;
Quand un ange la puise, il dort, mais d’un sommeil
Tel que le plus aimé des amants de la terre
N’en voudrait pas quitter le charme solitaire,
Pas même pour revoir dormant auprès de lui
La beauté dont la tête a son bras pour appui.
Mais en vain Éloa s’abreuvait dans son onde,
Sa douleur inquiète en était plus profonde ;