Aller au contenu

Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais plutôt d’approcher comme pour secourir ;
La tristesse apparut sur sa lèvre glacée
Aussitôt qu’un malheur s’offrit à sa pensée ;
Elle apprit à rêver, et son front innocent
De ce trouble inconnu rougit en s’abaissant ;
Une larme brillait auprès de sa paupière.
Heureux ceux dont le cœur verse ainsi la première !

Un ange eut ces ennuis qui troublent tant nos jours,
Et poursuivent les grands dans la pompe des cours ;
Mais, au sein des banquets, parmi la multitude,
Un homme qui gémit trouve la solitude ;
Le bruit des nations, le bruit que font les rois,
Rien n’éteint dans son cœur une plus forte voix.
Harpes du Paradis, vous étiez sans prodiges !
Chars vivants dont les yeux ont d’éclatants prestiges !
Armures du Seigneur, pavillons du saint lieu,
Étoiles des bergers tombant des doigts de Dieu,
Saphirs des encensoirs, or du céleste dôme,
Délices du nebel, senteurs du cinnamome,
Vos bruits harmonieux, vos splendeurs, vos parfums
Pour un ange attristé devenaient importuns ;
Les cantiques sacrés troublaient sa rêverie,
Car rien n’y répondait à son âme attendrie