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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/42

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CHANT DEUXIÈME


SÉDUCTION


 
Souvent parmi les monts qui dominent la terre
S’ouvre un puits naturel, profond et solitaire ;
L’eau qui tombe du ciel s’y garde, obscur miroir
Où, dans le jour, on voit les étoiles du soir.
Là, quand la villageoise a, sous la corde agile,
De l’urne, au fond des eaux, plongé la frêle argile,
Elle y demeure oisive, et contemple longtemps
Ce magique tableau des astres éclatants,
Qui semble orner son front, dans l’onde souterraine,
D’un bandeau qu’enviraient les cheveux d’une reine.
Telle, au fond du chaos qu’observaient ses beaux yeux,
La vierge, en se penchant, croyait voir d’autres Cieux.
Ses regards, éblouis par les soleils sans nombre,
N’apercevaient d’abord qu’un abîme et que l’ombre.
Mais elle y vit bientôt des feux errants et bleus
Tels que des froids marais les éclairs onduleux ;
Ils fuyaient, revenaient, puis échappaient encore ;