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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/41

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Voila pourquoi, toujours prudents et toujours sages,
Les anges de ces lieux redoutent les passages.

C’était là cependant, sur la sombre vapeur,
Que la vierge Éloa se reposait sans peur ;
Elle ne se troubla qu’en voyant sa puissance,
Et les bienfaits nouveaux causés par sa présence.
Quelques mondes punis semblaient se consoler ;
Les globes s’arrêtaient pour l’entendre voler.
S’il arrivait aussi qu’en ces routes nouvelles
Elle touchât l’un d’eux des plumes de ses ailes,
Alors tous les chagrins s’y taisaient un moment,
Les rivaux s’embrassaient avec étonnement ;
Tous les poignards tombaient oubliés par la haine ;
Le captif souriant marchait seul et sans chaîne ;
Le criminel rentrait au temple de la loi ;
Le proscrit s’asseyait au palais de son roi ;
L’inquiète insomnie abandonnait sa proie ;
Les pleurs cessaient partout, hors les pleurs de la joie ;
Et, surpris d’un bonheur rare chez les mortels,
Les amants séparés s’unissaient aux autels.