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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/48

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Nous avons, malgré lui, partagé la Nature :
Je le laisse, orgueilleux des bruits du jour vermeil,
Cacher des astres d’or sous l’éclat d’un Soleil ;
Moi, j’ai l’ombre muette, et je donne à la terre
La volupté des soirs et les biens du mystère.

« Es-tu venue, avec quelques Anges des cieux,
Admirer de mes nuits le cours délicieux ?
As-tu vu leurs trésors ? Sais-tu quelles merveilles
Des Anges ténébreux accompagnent les veilles ?

« Sitôt que, balancé sous le pâle horizon,
Le soleil rougissant a quitté le gazon,
Innombrables Esprits, nous volons dans les ombres
En secouant dans l’air nos chevelures sombres :
L’odorante rosée alors jusqu’au matin
Pleut sur les orangers, les lilas et le thym.
La Nature, attentive aux lois de mon empire,
M’accueille avec amour, m’écoute et me respire ;
Je redeviens son âme, et pour mes doux projets
Du fond des éléments j’évoque mes sujets.
Convive accoutumé de ma nocturne fête,
Chacun d’eux en chantant à s’y rendre s’apprête.
Vers le ciel étoilé, dans l’orgueil de son vol,
S’élance, le premier, l’élégant rossignol ;
Sa voix sonore, à l’onde, à la terre, à la nue,