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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/49

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De mon heure chérie annonce la venue ;
Il vante mon approche aux pâles alisiers,
Il la redit encore aux humides rosiers ;
Héraut harmonieux, partout il me proclame ;
Tous les oiseaux de l’ombre ouvrent leurs yeux de flamme.
Le vermisseau reluit ; son front de diamant
Répète auprès des fleurs les feux du firmament,
Et lutte de clartés avec le météore
Qui rôde sur les eaux comme une pâle aurore.
L’étoile des marais, que détache ma main,
Tombe et trace dans l’air un lumineux chemin.

« Dédaignant le remords et sa triste chimère,
Si la vierge a quitté la couche de sa mère,
Ces flambeaux naturels s’allument sous ses pas,
Et leur feu clair la guide et ne la trahit pas.
Si sa lèvre s’altère et vient près du rivage
Chercher comme une coupe un profond coquillage,
L’eau soupire et bouillonne, et devant ses pieds nus
Jette aux bords sablonneux la conque de Vénus.
Des esprits lui font voir de merveilleuses choses,
Sous des bosquets remplis de la senteur des roses ;
Elle aperçoit sur l’herbe, où leur main la conduit,
Ces fleurs dont la beauté ne s’ouvre que la nuit,
Pour qui l’aube du jour aussi sera cruelle,
Et dont le sein modeste a des amours comme elle.