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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/55

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Éloa, soulevant le voile de sa tête,
Avec un doux sourire à lui parler s’apprête,
Descend plus près de lui, se penche, et mollement
Contemple avec orgueil son immortel amant.
Son beau sein, comme un flot qui sur la rive expire,
Pour la première fois se soulève et soupire ;
Son bras, comme un lis blanc sur le lac suspendu,
S’approche sans effroi lentement étendu ;
Sa bouche parfumée en s’ouvrant semble éclore,
Comme la jeune rose aux faveurs de l’aurore,
Quand, le matin lui verse une fraîche liqueur,
Et qu’un rayon du jour entre jusqu’à son cœur.
Elle parle, et sa voix dans un beau son rassemble
Ce que les plus doux bruits auraient de grâce ensemble ;
Et la lyre accordée aux flûtes dans les bois,
Et l’oiseau qui se plaint pour la première fois,
Et la mer quand ses flots apportent sur la grève
Les chants du soir aux pieds du voyageur qui rêve,
Et le vent qui se joue aux cloches des hameaux,
Ou fait gémir les joncs de la fuite des eau :
« Puisque vous êtes beau, vous êtes bon, sans doute ;
Car, sitôt que des Cieux une âme prend la route,
Comme un saint vêtement nous voyons sa bonté
Lui donner en entrant l’éternelle beauté.