Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/54

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Des parfums de ton vol je respirais la trace ;
En vain j’interrogeai les globes de l’espace,
Du char des astres purs j’obscurcis les essieux,
Je voilai leurs rayons pour attirer tes yeux,
J’osai même, enhardi par mon nouveau délire,
Toucher les fibres d’or de la céleste lyre.
Mais tu n’entendis rien, mais tu ne me vis pas.
Je revins à la terre, et je glissai mes pas
Sous les abris de l’homme où tu reçus naissance.
Je croyais t’y trouver protégeant l’innocence,
Au berceau balancé d’un enfant endormi,
Rafraîchissant sa lèvre avec un souffle ami ;
Ou bien comme un rideau développant ton aile,
Et gardant contre moi, timide sentinelle,
Le sommeil de la vierge aux côtés de sa sœur,
Qui, rêvant, sur son sein la presse avec douceur.
Mais seul je retournai sous ma belle demeure,
J’y pleurai comme ici, j’y gémis, jusqu’à l’heure
Où le son de ton vol m’émut, me fit trembler,
Comme un prêtre qui sent que son Dieu va parler. »

Il disait ; et bientôt comme une jeune reine,
Qui rougit de plaisir au nom de souveraine,
Et fait à ses sujets un geste gracieux,
Ou donne à leurs transports un regard de ses yeux,