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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/60

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Et s’arrête ; un soupir augmente ses alarmes.
Il pleure amèrement comme un homme exilé,
Comme une veuve auprès de son fils immolé ;
Ses cheveux dénoués sont épars ; rien n’arrête
Les sanglots de son sein qui soulèvent sa tête.
Éloa vient et pleure ; ils se parlent ainsi :

« Que vous ai-je donc fait ? Qu’avez-vous ? Me voici.
— Tu cherches à me fuir, et pour toujours peut-être.
Combien tu me punis de m’être fait connaître !
— J’aimerais mieux rester ; mais le Seigneur m’attend.
Je veux parler pour vous, souvent il nous entend.
— Il ne peut rien sur moi, jamais mon sort ne change,
Et toi seule es le Dieu qui peut sauver un Ange.
— Que puis-je faire ? Hélas ! dites, faut-il rester ?
— Oui, descends jusqu’à moi, car je ne puis monter.
— Mais quel don voulez-vous ? — Le plus beau, c’est nous-mêmes.
Viens ! — M’exiler du Ciel ? — Qu’importe, si tu m’aimes ?
Touche ma main. Bientôt dans un mépris égal
Se confondront pour nous et le bien et le mal.
Tu n’as jamais compris ce qu’on trouve de charmes
A présenter son sein pour y cacher des larmes.
Viens, il est un bonheur que moi seul t’apprendrai ;
Tu m’ouvriras ton âme, et je l’y répandrai.
Comme l’aube et la lune au couchant reposée