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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/65

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Souvent, fruit inconnu d’un orgueilleux mélange,
Au sein d’une mortelle on vit le fils d’un Ange.
Le crime universel s’élevait jusqu’aux cieux.
Dieu s’attrista lui-même et détourna les yeux.

Et cependant, un jour, au sommet solitaire
Du mont sacré d’Arar, le plus haut de la Terre,
Apparut une vierge et près d’elle un pasteur :
Tous deux nés dans les champs, loin d’un peuple imposteur,
Leur langage était doux, leurs mains étaient unies
Comme au jour fortuné des unions bénies ;
Ils semblaient, en passant sur ces monts inconnus,
Retourner vers le Ciel dont ils étaient venus ;
Et, sans l’air de douleur, signe que Dieu nous laisse,
Rien n’eût de leur nature indiqué la faiblesse,
Tant les traits primitifs et leur simple beauté
Avaient sur leur visage empreint de majesté.

Quand du mont orageux ils touchèrent la cime,
La campagne à leurs pieds s’ouvrit comme un abîme.