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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/67

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Ressemblaient au dessin par le vent effacé
Que le doigt d’un enfant sur le sable a tracé.

Ce fut là que deux voix, dans le désert perdues,
Dans les hauteurs de l’air avec peine entendues,
Osèrent un moment prononcer tour à tour
Ce dernier entretien d’innocence et d’amour :

— « Comme la Terre est belle en sa rondeur immense !
La vois-tu qui s’étend jusqu’où le ciel commence ?
La vois-tu s’embellir de toutes ses couleurs ?
Respire un jour encor le parfum de ses fleurs,
Que le vent matinal apporte à nos montagnes.
On dirait aujourd’hui que les vastes campagnes
Elèvent leur encens, étalent leur beauté,
Pour toucher, s’il se peut, le seigneur irrité.
Mais les vapeurs du ciel, comme de noirs fantômes,
Amènent tous ces bruits, ces lugubres symptômes
Qui devaient, sans manquer au moment attendu,
Annoncer l’agonie à l’univers perdu.
Viens, tandis que l’horreur partout nous environne,
Et qu’une vaste nuit lentement nous couronne,
Viens, ô ma bien-aimée ! Et, fermant tes beaux yeux,
Qu’épouvante l’aspect du désordre des cieux,