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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/73

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N’avaient qu’une pensée, effroyable torture,
L’approche de la mort, la mort sans sépulture.
On vit sur un esquif, de mers en mers jeté,
L’œil affamé du fort sur le faible arrêté ;
Des femmes, à grands cris insultant la nature,
Y réclamaient du sort leur humaine pâture ;
L’athée, épouvanté de voir Dieu triomphant,
Puisait un jour de vie aux veines d’un enfant ;
Des derniers réprouvés telle fut l’agonie.
L’amour survivait seul à la bonté bannie ;
Ceux qu’unissaient entre eux des serments mutuels,
Et que persécutait la haine des mortels,
S’offraient ensemble à l’onde avec un front tranquille,
Et contre leurs douleurs trouvaient un même asile.

Mais sur le mont Arar, encor loin du trépas,
Pour sauver ses enfants l’ange ne venait pas ;
En vain le cherchaient-ils, les vents et les orages
N’apportaient sur leurs fronts que de sombres nuages.

Cependant sous les flots montés également