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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/85

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Ses genoux ont tremblé sous le poids de ses armes ;
Sa paupière s’entr’ouvre à ses premières larmes :
C’est que, parmi les voix, le père a reconnu
La voix la plus aimée à ce chant ingénu :

— « Ô vierges d’Israël ! ma couronne s’apprête
La première à parer les cheveux de sa tête ;
C’est mon père, et jamais un autre enfant que moi
N’augmenta la famille heureuse sous sa loi. »

Et ses bras à Jephté donnés avec tendresse,
Suspendant à son col leur pieuse caresse :
« Mon père, embrassez-moi ! D’où naissent vos retards ?
Je ne vois que vos pleurs et non pas vos regards.

Je n’ai point oublié l’encens du sacrifice :
J’offrais pour vous hier la naissante génisse.
Qui peut vous affliger ? Le Seigneur n’a-t-il pas
Renversé les cités au seul bruit de vos pas ? »

— « C’est vous, hélas ! c’est vous, ma fille bien-aimée ? »
Dit le père en rouvrant sa paupière enflammée ;
« Faut-il que ce soit vous ! ô douleur des douleurs !
Que vos embrassements feront couler de pleurs !

Seigneur, vous êtes bien le Dieu de la vengeance ;
En échange du crime il vous faut l’innocence.
C’est la vapeur du sang qui plaît au Dieu jaloux !
Je lui dois une hostie, ô ma fille ! et c’est vous !