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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/98

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Viens, dors près de mon sein. » Mais lui, furtif et lent,
Descend du lit d’ivoire et d’or étincelant.
Il va, d’un pied prudent, chercher la lampe errante,
Dont il garde les feux dans sa main transparente,
Son corps blanc est sans voile, il marche pas à pas,
L’œil ouvert, immobile, et murmurant tout bas :

« Je la vois, la parjure !… interrompez vos fêtes,
Aux Mânes un autel… des cyprès sur vos têtes…
Ouvrez, ouvrez la tombe… Allons… Qui descendra ? »
Cependant, à genoux et tremblante, Néra,
Ses blonds cheveux épars, se traîne. « Arrête, écoute,
Arrête, ami ; les Dieux te poursuivent, sans doute ;
Au nom de la pitié, tourne tes yeux sur moi ;
Vois, c’est moi, ton épouse en larmes devant toi ;
Mais tu fuis ; par tes cris ma voix est étouffée !
Phoebé, pardonne-lui ; pardonne-lui, Morphée. »

— « J’irai… je frapperai… le glaive est dans ma main :
Tous les deux… Pollion.., c’est un jeune Romain…
Il ne résiste pas. Dieux ! qu’il est faible encore !
D’un blond duvet sa joue à peine se décore,