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Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/99

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L’amour a couronné ce luxe éblouissant…
Ecartez ce manteau, je ne vois pas le sang. »

Mais elle : « O mon amant ! compagnon de ma vie !
Des foyers maternels si ton char m’a ravie,
Tremblante, mais complice, et si nos vœux sacrés
Ont fait luire à l’Hymen des feux prématurés,
Par cette sainte amour nouvellement jurée,
Par l’antique Vesta, par l’immortelle Rhée
Dont j’embrasse l’autel, jamais nulle autre ardeur
De mes pieux serments n’altéra la candeur :
Non, jamais Pénélope, à l’aiguille pudique,
Plus chaste n’a vécu sous la foi domestique.
Pollion, quel est-il ? » — « Je tiens tes longs cheveux…
Je dédaigne tes pleurs et tes tardifs aveux,
Corinne, tu mourras… » — « Ce n’est pas moi ! Ma mère,
Il ne m’a point aimée ! Oh ! ta sainte colère
A comme un Dieu vengeur poursuivi nos amours !
Que n’ai-je cru ma mère et ses prudents discours ?
Je ne détourne plus ta sacrilège épée ;
Tiens, frappe, j’ai vécu puisque tu m’as trompée…
… Ah ! cruel !.., mon sang coule !… Ah ! reçois mes adieux ;
Puisses-tu ne jamais t’éveiller ! » — « Justes Dieux ! »


Écrit en 1819.