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Page:Vigny - Œuvres complètes, Stello, Lemerre, 1884.djvu/482

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immobile. Il se trouva quelques hommes très- jeunes alors, épars, inconnus l’un à l’autre, qui méditaient une poésie nouvelle. – Chacun d’eux, dans le silence, avait senti sa mission dans son cœur. Aucun d’eux ne sortit de sa retraite que son œuvre ne fût déjà formée. Lorsqu’ils se virent naturellement, ils marchèrent l’un vers I’autre, se reconnurent pour frères et se donnèrent la main. – Ils se parlèrent, s’étonnèrent d’avoir senti dans les mêmes temps le même besoin d’innovation, et de l’avoir conçu dans des inventions et des formes totalement diverses. Ils se confièrent leurs idées d’abord, puis leurs sentiments, et (comment s’en étonnerait-on ?) éprouvèrent l’un pour l’autre une amitié qui dure encore aujourd’hui. – Ensuite chacun se retira et suivit sa destinée. – Depuis ces jours de calme, ils n’ont cessé d’alterner leurs écrits ou leurs chants. Séparés par le cours même de la vie et ses diversions imprévues, s’ils se rencontraient, c’était pour s’encourager, par un mot, à la lutte éternelle des idées contre l’indifférence et contre l’esprit fatal de retardement qui engourdit les plus ardentes nations dans les temps où il ne se trouve personne qui leur donne une salutaire secousse. – Leurs œuvres se multiplièrent. – Dans ce champ libre nouvellement conquis, chacun prit la voie où