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Page:Vigny - Servitude et grandeur militaires, 1885.djvu/292

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fort pour servir d’appui dans la tourmente, et j’ai été rassuré.

Ce n’est pas une foi neuve, un culte de nouvelle invention, une pensée confuse ; c’est un sentiment né avec nous, indépendant des temps, des lieux, et même des religions ; un sentiment fier, inflexible, un instinct d’une incomparable beauté, qui n’a trouvé que dans les temps modernes un nom digne de lui, mais qui déjà produisait de sublimes grandeurs dans l’antiquité, et la fécondait comme ces beaux fleuves qui, dans leur source et leurs premiers détours, n’ont pas encore d’appellation. Cette foi, qui me semble rester à tous encore et régner en souveraine dans les armées, est celle de l’HONNEUR.

Je ne vois point qu’elle se soit affaiblie et que rien l’ait usée. Ce n’est point une idole, c’est, pour la plupart des hommes, un dieu et un dieu autour duquel bien des dieux supérieurs sont tombés. La chute de tous leurs temples n’a pas ébranlé sa statue.

Une vitalité indéfinissable anime cette vertu bizarre, orgueilleuse, qui se tient debout au milieu de tous nos vices, s’accordant même avec eux au point de s’accroître de leur énergie. — Tandis que toutes les vertus semblent descendre du ciel pour nous donner la main et nous élever, celle-ci paraît venir de nous-mêmes