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Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/174

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de vous tromper vous-même. Cette idée, vous ne la laissiez pas sortir au hasard ; cette idée vous préoccupait depuis longtemps ; cette idée, vous l’aimez, vous la contemplez, vous la caressez avec un attachement secret. Elle est, à votre insu, établie profondément en vous, sans que vous en sentiez les racines plus qu’on ne sent celles d’une dent. L’orgueil et l’ambition de l’universalité d’esprit l’ont fait germer et grandir en vous comme dans bien d’autres que je n’ai pas guéris. Seulement vous n’osiez pas vous avouer sa présence, et vous vouliez l’éprouver sur moi, en la montrant comme par hasard, négligemment et sans prétention.

O funeste penchant que nous avons tous à sortir de notre voie et des conditions de notre être ! — D’où vient cela, sinon de l’envie qu’a tout enfant de s’essayer au jeu des autres, ne doutant pas de ses forces et se croyant tout possible ? — D’où vient cela, sinon de la peine qu’ont les âmes les plus libres à se détacher complètement de ce qu’aime le profane vulgaire ? — D’où vient cela, sinon d’un moment de faiblesse, où l’esprit est las de se contempler, de se replier sur