Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/179

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pouvoir, tout homme du moins jetait sa tête au jeu.

Pour cela seul, je vous parlerai des hommes de ce temps-là plus gravement que je n’ai fait des autres. Si mon premier langage était scintillant et musqué comme l’épée de bal et la poudre, si le second était pédantesque et prolongé comme la perruque et la queue d’un alderman, je sens que ma parole doit être ici forte et brève comme le coup d’une hache qui sort fumante d’une tête tranchée.

Au temps dont je veux parler, la Démocratie régnait. Les Décemvirs, dont le premier fut Robespierre, allaient achever leur règne de trois mois. Ils avaient fauché autour d’eux toutes les idées contraires à celle de la Terreur. Sur l’échafaud des Girondins ils avaient abattu les idées d’amour pur de la liberté ; sur celui des Hébertistes, les idées du culte de la raison unies à l’obscénité montagnarde et républicaniste ; sur l’échafaud de Danton ils avaient tranché la dernière pensée de modération ; restait donc LA TERREUR. Elle donna son nom à l’époque.

Le Comité de salut public marchait librement sur sa grande route, l’élargissant avec la guillotine.