Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/195

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jamais homme ne s’endormit avec une quiétude plus parfaite, ne sommeilla avec une absence plus complète de rêves et de cauchemars, et ne fut réveillé avec une égalité d’humeur aussi grande. Blaireau faisait toujours mon admiration, et le noble caractère de son sommeil était pour moi une source éternelle de curieuses observations. Ce digne homme avait dormi partout pendant dix ans, et jamais il n’avait trouvé qu’un lit fût meilleur ou plus mauvais qu’un autre. Quelquefois seulement, en été, il trouvait sa chambre trop chaude, descendait dans la cour, mettait un pavé sous sa tête et dormait. Il ne s’enrhumait jamais, et la pluie ne le réveillait pas. Lorsqu’il était debout, il avait l’air d’un peuplier prêt à tomber. Sa longue taille était voûtée et les os de sa poitrine touchaient à l’os de son dos. Sa figure était jaune et sa peau luisante comme un parchemin. Aucune altération ne s’y pouvait remarquer en aucune occasion, sinon un sourire de paysan à la fois niais, fin et doux. Il avait brûlé beaucoup de poudre depuis dix ans à tout ce qu’il y avait eu d’affaires à Paris, mais jamais il ne s’était tourmenté beaucoup du point où frappait le boulet. Il servait son canon